Au commencement…
Depuis la nuit des temps, les sangliers savaient que le meilleur moyen de se débarrasser de la vermine était de se vautrer dans les affleurements huileux de la forêt d’Alsace du Nord. Ils furent sans doute, les premiers utilisateurs du pétrole de Pechelbronn, bientôt relayés par les hommes. Pendant des siècles ceux-ci récupèrent ce corps gras flottant à la surface de la source «Baechel-Brunn» pour lubrifier les roues des chariots et guérir les maux de dents, la goutte ou les plaies…
Premières traces écrites…
Ce sont des apothicaires et des médecins du 15e au 17e siècle qui, dans différents ouvrages, nous mentionnent l’utilisation de cette huile. Beaucoup de gens s’intéressent à ce produit et à ses applications médicinales mais personne ne se lance dans une exploitation rationnelle à cause des troubles religieux et de la guerre de Trente Ans.
La thèse de Hoeffel…
Au 18e siècle, les temps sont plus calmes, les fanatismes religieux et les conflits politiques sont apaisés : ce sont de meilleures conditions pour un développement économique.
En 1734, un étudiant en médecine, originaire de Woerth, soutient une thèse qui a pour sujet les bienfaits de l’huile de Pechelbronn. Il décrit de nombreux affleurements bitumineux dans la région et il relate différentes expériences.
Au cours d’essais de distillation, il isole ainsi le pétrole lampant, sans découvrir son usage; il ne sera utilisé qu’un siècle plus tard pour l’éclairage. Dans cette thèse il énumère tous les usages médicinaux du produit et décrit de nombreuses guérisons (infections, plaies, problèmes des yeux et de la peau, goutte, problèmes articulaires…).
Exploitation
Premières exploitations…
Cette thèse, qui circule dans les milieux scientifiques de l’époque, est certainement le point de départ d’une exploitation plus systématique, souhaitée par le pouvoir local (le comte de Hanau-Lichtenberg, puis son gendre, le Landgrave de Hesse-Darmstadt).
En 1740, De la Sablonnière, qui était interprète du Roi de France auprès des Ligues Suisses, avait obtenu l’exclusivité de la vente d’asphalte suisse, de la région de Neuchâtel. Il avait expérimenté avec succès un «ciment d’asphalte» pour calfater les bateaux et recherchait des sites de production en France. C’est ainsi qu’il arrive en Alsace. Il obtient l’autorisation du Roi de France d’exploiter ce gisement et crée ainsi en 1741 la première société pétrolière par actions, ce qui fera de Pechelbronn la doyenne des sociétés pétrolières !
L’exploitation du sable bitumineux
On creuse des galeries dans les gisements de sable bitumineux ; dès 1742, on utilisait des tarières pour localiser les filons. Dans une petite usine dénommée « Laboratoire », l’huile était séparée du sable par lessivage à l’eau bouillante, puis distillée pour obtenir des produits pharmaceutiques, de la graisse et de la poix et au 19e siècle du pétrole lampant.
Vers 1865, comme on descend plus profondément, on trouve de l’huile de plus en plus fluide : on abandonne alors l’extraction du sable au profit de la récupération d’huile de suintement.
Le sondage – pompage
En 1879, on abandonne la récupération d’huile de suintement au profit de forages mécaniques, une méthode ne présentant pas de risques d’explosions liés à la présence de gaz et de danger d’inondation de galeries. Les puits de forages permettent d’atteindre les couches productrices, de 300 à 700 mètres, et par la suite jusqu’à 1200 m. La première pompe est installée en 1882. Exceptionnellement, il y eut des sources éruptives. Le brut de Pechelbronn étant lourd et sans pression, le recours à des pompes à balancier était nécessaire.
En 1949, il y avait 650 pompes en activité simultanément.
L’exploitation minière
A partir de 1917, sur l’initiative du directeur Paul De Chambrier, une nouvelle forme d’exploitation minière est mise en place. Huit puits sont foncés et 430 km de galeries, d’une profondeur variant entre 150 et 400 mètres, sont creusées dans des couches pétrolifères. Dans les galeries, des puisards recueillent l’huile, qui, une fois remontée, est acheminée par pipe-line à la raffinerie. L’exploitation du pétrole par mines est unique dans l’industrie pétrolière.
Quelques chiffres
Raffinage
La construction des premiers véritables ateliers de distillation remonte à 1740, ce qui fait de Pechelbronn l’une des plus anciennes raffineries au monde. Jusqu’en 1854, Pechelbronn vend essentiellement de l’huile de graissage plus connue sous le nom « d’oing noir » remplaçant les anciennes graisses végétales et animales. Louis Frédéric Achille LE BEL met en place, en 1857, la première raffinerie qui produira dès 1873 du pétrole lampant appelé « huile blanche ». Après la Première Guerre Mondiale, les installations furent remaniées suivant les techniques les plus récentes et assurent le raffinage de 75 000 tonnes de brut par an.
Production en 1936, par rapport à la consommation française.
- 6 % d’essence,
- 7 % de pétrole lampant,
- 16 % de gazoil,
- 1% de white-spirit,
- 35 % d’huile,
- 3 % de paraffine,
- 23 % de coke, bitume et brai
Le 3 août 1944, durant la Seconde Guerre Mondiale, les bombardiers américains (B 17) lancent plus de 2000 bombes sur la raffinerie, puisque l’Alsace était annexée au Reich allemand.
La raffinerie est détruite à plus de 90 %. Elle est reconstruite sur dommages de guerre et fonctionnera jusqu’en 1970, date de l’arrêt de toute exploitation.
La Renommée de Pechelbronn
La marque Antar
En 1920, l’état français passe un contrat avec la société alsacienne d’études minières qui fonda Pechelbronn S.A.E.M. . En 1926, une nouvelle raffinerie entre en pleine activité et permet de fabriquer des huiles de graissage de qualité exigée par toutes les branches de l’industrie.
C’est ainsi qu’à partir de 1927, Pechelbronn commercialise sous la marque Antar trois catégories de lubrifiants
- Des huiles Antar pour le graissage des moteurs. Elles sont qualifiées de très fluides, fluides, semi-fluides, demi-épaisses et épaisses
- Des huiles Antar Spéciales pour le graissage des boîtes de vitesse, différentiel pont arrière. Elle assure un fonctionnement parfait de la transmission, une altération très nette du bruit et une protection contre l’usure.
- Une graisse Antar pour les divers organes du châssis.
- Les variétés : Antar sport, Antar gel et Antar graphite (dès 1930)
La production de la raffinerie de Merkwiller-Pechelbronn (120 000 t/ an) connaît jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale un long moment de prospérité.
Elle pourvoit en grande partie aux besoins en produits pétroliers français.
A partir de 1955 avec la fermeture progressive de Pechelbronn, les activités de raffinage se reportent sur les bords de l’Atlantique : Antar PA et son important complexe de Donges qui fonctionne toujours.
La naissance de l’IFP et l’École des Maîtres-sondeurs
Des générations d’ingénieurs et de spécialistes vinrent s’initier en Alsace aux techniques du forage et du raffinage des huiles brutes.
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IFP (Institut Français du Pétrole)
1919 : Naissance à Pechelbronn de l’École Technique des Pétroles
Transférée à Strasbourg en 1924, elle est rattachée à l’IFP à Paris par la suite…
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École des Maîtres-sondeurs (de 1927 à 1953)
En dehors des cours dispensés au collège technique de Haguenau, les élèves s’initient au métier de sondeur dans les ateliers et sur les chantiers de la société Pechelbronn.
Beaucoup de techniciens formés dans cette école sont allés travaillés sur des forages dans le monde entier où la réputation des Alsaciens étaient excellente !
Les frères Schlumberger et leur invention
Le 5 septembre 1927, les premières mesures électriques sont faites dans un sondage n°2905 tour n°7, au S-E de Dieffenbach-Les-Woerth, cette méthode géophysique a été mise au point par Marcel et Conrad Schlumberger.
Ils utilisent à Pechelbronn les sondages déjà créés par des carottages mécaniques. Les mesures sont faites point par point, depuis la surface. Des sondes avec les électrodes sont descendues dans le sous-sol puis remontées et stoppées tous les mètres. Le courant, fourni par un générateur relié à un camion stationné non loin à la surface, est diffusé par les électrodes. Si les minerais conduisent bien ce courant, ils ont une faible résistivité, ce qui est le cas du pétrole.
Ensuite, les instruments de forage sont descendus et remontés au moyen d’un treuil, commandé à la main par une manivelle.
En 1927, le log (une bande de papier qui donne les valeurs de résistivité des roches en fonction de la profondeur) et les roches remontées par les pics de forage ont confirmé la présence de pétrole. L’idée des Schlumberger a permis d’obtenir des résultats peu coûteux et plus aisés qu’avec le carottage mécanique où il fallait remonter des échantillons de roches. Sa méthode réduit la part d’aléatoire en même temps qu’elle définit de manière plus précise la nature des sols étudiés. Elle a ainsi évité à la Société pétrolière de Pechelbronn de forer au hasard.
Le sous-sol, des origines à l’avenir
La géologie
Le pétrole brut est une roche fluide constituée principalement d’hydrocarbures (carbone et hydrogène).
Les conditions nécessaires à la formation de pétrole se trouvent réunies dans le Fossé Rhénan, et plus spécialement dans le nord de l’Alsace.
A Pechelbronn, on trouve du pétrole de 0 à 1500 m de profondeur. L’exploitation du pétrole se fit à 90 % dans les couches de 0 à 400 m et à 10 % seulement entre 400 et 1350 m. Le pétrole de Pechelbronn se situe dans des lentilles de sable (pétrole + eau + gaz) où la proportion de gaz est très faible. Lors du percement de la lentille, le pétrole jaillit rarement spontanément, il faut alors pomper pour le faire remonter. Dans d’autres régions, il suffit de réguler le débit du pétrole jaillissant.
Le champ pétrolifère de Pechelbronn couvre 44 000 ha. Il s’étend de Wissembourg à Brumath et Hochfelden (15 km de largeur et 35 km de longueur). Elles sont de petite dimension (de 2 à 10 m d’épaisseur sur 2 à 5 km de longueur et de 10 à 30 m de large) alors qu’on peut trouver des lentilles de 400 m d’épaisseur pour 2000 km² de surface en Arabie.
Ces deux originalités ont pour conséquence une exploitation plus difficile et donc moins rentable après la découverte des gisements sahariens et arabes (à partir de 1950).
Jusqu’en 1965, 3 300 000 tonnes ont été exploitées sur le champ pétrolifère de Pechelbronn, c’est-à-dire 20 % de la capacité des gisements exploités.
La chaleur du sous-sol
La présence d’eau chaude et de chaleur dans le sous-sol explique deux types de valorisation de ces ressources naturelles : le thermalisme et la géothermie
Le thermalisme :
Deux forage de recherches de pétrole en 1904 et 1910 ont révélé deux sources d’eau chaudes fortement minéralisées, qui ont pu être utilisées pour du thermalisme.
Le forage de 1904 a donné naissance à l’établissement thermal de Morsbronn-les-Bains, toujours en activité.
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La source découverte en 1910 à Merkwiller est particulièrement riche en fer, soufre, sel, calcium, potassium, magnésium et même un peu d’hélium.
Elle permet de soigner rhumatismes, sciatique, arthrite et affections gynécologiques.
L’arrivée de l’eau thermale s’est produite à 1000 m de profondeur, avec une température de 65° C et un débit de 12m3 par heure. Elle a été exploitée par la Société Pechelbronn jusqu’en 1925, date à laquelle la famille Engel fit construire un établissement thermal qu’elle a exploitée jusqu’en 1992.
Aujourd’hui n’existe plus que l’établissement de Morsbronn.
La géothermie :
Depuis plus de 20 ans les chercheurs ont mis au point sur le site expérimental de Soultz et Kutzenhausen des techniques qui ont fait avancer la connaissance sur la géothermie profonde et sur l’exploitation de la chaleur du sous-sol.
Historique du projet :
• 1987-1992 : Etude de faisabilité, forages de puits d’exploitation et carottage.
• 1992-1997 : Forage de deux puits (3500 m), stimulation de la perméabilité des milieux fracturés.
• 1998-2000 : Approfondissement d’un puits à 5000 m, température 203 °C.
• 2001-2005 : Forage du second et du troisième puits (5000 m)
• 2005-2008 : Circulation et récupération de chaleur. Construction de la centrale électrique.
Principe de Soultz :
Le site de Soultz sous Forêts a été sélectionné par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) pour la température élevée de son sous-sol et la présence de granite fracturé.
L’eau chaude naturellement présente dans le sous-sol est aspirée par les deux puits de production latéraux (3).
Elle est remontée à la surface d’environ…
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